Pétition en faveur des familles victimes du moratoire roumain sur les
EUROPE
Pétition en faveur des familles victimes du moratoire roumain sur les adoptions
Plusieurs eurodéputés, emmenés par les Français Claire Gibault et Jean-Marie Cavada (démocrates libéraux), ont lancé une pétition dans laquelle ils demandent que les autorités roumaines reviennent sur les refus qu'elles ont opposés à quelque 1 000 familles.
Par Rafaële Rivais Publié le 04 juillet 2006 à 13h57 - Mis à jour le 04 juillet 2006 à 13h57
La question de l'adoption internationale en Roumanie donne lieu à une douloureuse bataille au Parlement européen. Plusieurs eurodéputés, emmenés par les Français Claire Gibault et Jean-Marie Cavada (démocrates libéraux), ont lancé une pétition dans laquelle ils demandent que les autorités roumaines reviennent sur les refus qu'elles ont opposés à quelque 1 000 familles qui auraient été, disent-ils, surprises par le moratoire sur les adoptions, entré en vigueur en octobre 2001. Ils espèrent recueillir avant le 6 juillet les 367 signatures nécessaires pour que cette pétition engage le Parlement.
Mme Gibault, qui précise être "mère adoptive de deux enfants togolais", se désole du sort des enfants roumains victimes du moratoire sur les adoptions, alors qu'ils auraient "établi des relations affectives" avec leurs futurs parents : "Ils doivent se sentir abandonnés une deuxième fois !", s'exclame la chef d'orchestre. "Comment vont-ils se reconstruire après un traumatisme pareil ?" Les autorités roumaines assurent avoir accepté toutes les demandes d'adoption (1 003) introduites avant l'entrée en vigueur du moratoire puis rejeté celles faites après. Ces demandes concernent, selon elles, 1 092 enfants, avec lesquels certaines familles seraient entrées en contact, alors que c'était illégal.
Christine et Alain Roques font partie des couples qui se sont vu opposer un refus et ne comprennent pas pourquoi. "Nous avons fait une demande en février 2001, mais on ne nous a proposé de rencontrer deux enfants qu'en novembre 2003 !", indique M. Roques. Il s'agissait de deux frères, Marin et Catalin, alors âgés de 7 et 5 ans, qui vivaient dans un orphelinat. L'Office roumain pour les adoptions assure que ce ne sont pas les autorités, mais une association privée qui leur a présenté ces deux petits garçons, alors qu'elle n'en avait pas le droit, puisque le moratoire courait. L'Office n'est pas en mesure de dire comment cette association a pu se faire ouvrir les portes de l'orphelinat, où le couple d'Aveyronnais s'est rendu "tous les deux mois, pendant quatre jours à chaque fois, avec une traductrice". Mme Roques regrette que les deux enfants "avec lesquels des liens affectifs se sont noués", soient désormais placés dans une famille d'accueil.
Les autorités roumaines assurent avoir examiné, "à la demande du Parlement européen", les dossiers des 1 092 enfants sur la base de leur nouvelle loi : celle-ci respecte la Convention des Nations unies sur le droit de l'enfant, qui fait de l'adoption internationale le dernier recours, après le retour dans la famille biologique, l'insertion dans une famille d'accueil ou l'adoption nationale. Le commissaire à l'élargissement, Olli Rehn, se dit satisfait : "Tous les dossiers ont été examinés et les familles ont été informées individuellement du résultat."
Nombre d'eurodéputés s'opposent à la pétition de Mme Gibault : pour revenir sur ses décisions concernant les 1 092 enfants, la Roumanie devrait modifier sa loi et rouvrir le dossier de l'adoption internationale. Ils craignent, telle la socialiste portugaise Ana Gomes, une reprise du "trafic qui existait avant le moratoire", dénoncé par l'Unicef et le Parlement. "Un bébé coûtait de 12 000 à 20 000 euros sur le marché non officiel de l'adoption", rappelle Mme Gomes. Elle s'étonne que des ONG relativement méconnues aient pu récemment financer une page de publicité dans le Financial Times, qui coûte "environ 120 000 euros", selon Mme Gomes, pour réclamer une "ouverture contrôlée" des adoptions. Elle souligne que la description des enfants roumains "ne tient aucun compte des progrès accomplis par Bucarest".
Mme Gibault juge au contraire la situation en Roumanie encore très mauvaise, "bien que les statistiques officielles ne le disent pas" : il y aurait toujours 9 000 enfants abandonnés par an, selon l'Unicef, souligne-t-elle. Jean-Marie Cavada, qui rappelle avoir été un "enfant de la guerre, élevé par cinq familles successives", déplore que ces enfants "ne puissent plus être secourus grâce à l'adoption internationale". C'est sur l'état réel de la protection de l'enfance en Roumanie que risquent désormais de s'affronter les pro et les anti-adoption.
Rafaële Rivais
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