Enquête - Trafic d’enfants

11 July 2009
SOCIAL

Enquête - Trafic d’enfants
« Mon bébé contre quelques gros billets »

 
La vente d’enfant tend à se généraliser auprès certaines catégories de personnes très nécessiteuses. La pauvreté mène à des décisions
dont la portée n’est pas prévisible à court terme.


Première richesse, garant de la succession ainsi que honneur du nom de la famille, l’enfant tient une place importante au sein cette communauté. Malheur à ceux qui n'ont pas la chance d'avoir des progénitures.
Mais les temps changent, la mentalité aussi, à cause de la hausse galopante du coût de la vie. Certaines mères de famille, qui sont souvent des mères célibataires, ont perdu le nord. Pour survivre, elles s'engagent à vendre leur enfant, ou les confient à des soi-disant centres de réinsertion.
L’engagement se termine souvent par un accord d'adoption, en échange d’une somme dérisoire.
C'est le cas de Soanirina, la petite fille de Lisy. Tombée enceinte après une éphémère aventure avec son jeune amant, Lisy a accouché de Soanirina en 2000.
Emballée par une offre prometteuse de Madame Eva, une responsable d'un centre d'accueil pour enfants, Lisy a laissé sa petite fille aux soins de la dame, sans avoir estimé exactement l'impact d'une décision prise un peu à la hâte. Madame Eva aura la charge de trouver des parents adoptifs acceptant d'aider financièrement, par mensualités, la famille de Lisy.
Petite malchanceuse..., Soanirina a trouvé des parents adoptifs, sans qu’elle sache où elle allait atterrir. En fait, les conditions établies au préalable n'ont pas été respectées.
Liana, la grande sœur de Lisy raconte la triste histoire avec des remords. « Il a été convenu que la famille étrangère qui adoptera Soanirina nous envoie par mois de l'argent, afin d'assurer l'éducation des sœurs de Soanirina. Je ne sais plus si Mme Eva nous vole l'argent, ou bien si la famille adoptive nous a oublié. Nous ne recevons que 15 000 ariary par mois. Des futilités que Mme Eva nous offre pour nous calmer », déplore -t-elle.
Une photo sur internet
Pire : la famille de Liana ne reçoit plus de nouvelles de leur petite fille. « Elle nous a envoyé une photo une seule fois en 2003, et c'est tout. Nous ne connaissons même pas le nouveau nom de Soanirina », toujours selon Liana qui a tant voulu publier sur internet la photo de sa nièce, afin d'interpeller ses parents adoptifs. Elle cherche désespérément l'adresse de Mme Eva, mais personne ne connaît où elle se trouve actuellement.
Le cas de Soanirina n'a pas servi de leçon à la famille de Liana, hélas ! En 2008, une autre de ses sœurs, se prénommant Rosalie, a mis au monde une petite fille appelée Anna. Comme la fille mère n'a pas de ressource financière, l’idée de vendre son enfant lui est aussi passée par la tête.
Un soir, de retour d'un travail journalier chez une famille pas très loin de son quartier, Rosalie est rentrée sans Anna, alors âgée de cinq mois. Sans vouloir croire ce qu'elle pense déjà, Liana lui a demandé où elle avait laissé l'enfant. Rosalie n'a pas voulu donner une réponse claire.
Mais fort heureusement, Solange, une cousine d'Anna, âgée de neuf ans, était avec Rosalie, toute la journée, et s’est souvenu de l'endroit où Rosalie a laissé le bébé.
Il faut sauver Anna
« A 10 h du soir, j'ai tout de suite pris la décision d'aller chercher Anna. Solange, au bord des larmes, m'a servi de guide. Une fois arrivées à la maison que Solange m'a indiquée, j'ai discuté avec la propriétaire, et j'ai pu récupérer ma petite nièce », raconte Liana.
« La dame à qui Rosalie à laissé l'enfant a dit qu'elle n'a nullement l'intention de garder définitivement l'enfant. Elle m’a dit qu'elle voulait garder Anna juste une nuit, à la demande de Rosalie, sa mère. Je suis sortie de la maison en pleurant, avec la petite Anna dans les bras. Dès lors j'ai décidé de la garder avec moi. Ma sœur qui vient de rencontrer un autre homme que le père d'Anna n'habite plus avec notre famille », a-t-elle révélé.
Des sources auprès d'un travailleur social affirme pourtant que Rosalie aurait déjà reçu une somme d'argent à titre d'avance, en vue de la vente d'Anna, mais la détermination de Liana a dissuadé la dame qui devait effectuer la transaction.
Anna est sauvée par sa tante, mais d'autres enfants sans protection vivent au jour le jour dans la peur d'être vendus par leurs proches.
La vente d'enfants risque de gagner du terrain dans la capitale. Un membre de la famille d'un journaliste a témoigné qu'au mois de septembre, une femme affamée lui avait proposé son enfant pour 30 000 ariary, pendant qu’elle faisait la queue sous un abri-bus aux 67 ha.

Tous les prénoms ont été changés
 
Andry Ratovo
Date : 07-11-2009