Un couple de l’Orne attaché au sort des orphelins

2009

Un couple de l’Orne attaché au sort des orphelins

Édith et Maurice Labaisse se battent depuis 17 ans pour donner une famille à des orphelins français handicapés ou à de petits Africains.

Elle rentre tout juste de Djibouti, ce petit territoire coincé entre l’Éthiopie, la Somalie et l’Érythrée. Durant son court séjour à l’orphelinat Sainte-Thérèse, tenu par des religieuses missionnaires franciscaines, trois femmes ont abandonné leur enfant sous les yeux d’Édith Labaisse. “Emmène-le en France, il fera des études” donnent-elles comme seule explication.

Accompagnant régulièrement des parents venus adopter les orphelins de cette ancienne colonie française, la responsable des adoptions pour l’association ornaise “Vivre en Famille” est à chaque fois confrontée à la dure réalité de ce pays à la démographie galopante. “L’adoption est un drame avant d’être un grand bonheur”, répète-elle.

Un projet familial

L’Afrique, comme l’adoption, Édith Labaisse et son mari Maurice n’y avaient jamais songé. Ces parents de six enfants biologiques et d’enfants adoptés handicapés ont fondé cette association en 1993 comme “un prolongement de notre démarche familiale” confie le directeur honoraire de la Banque de France de Granville, à la retraite depuis l’an 2000. “Étant parents d’enfants handicapés, nous nous projetions dans l’avenir : quelle sera leur qualité de vie ? Auront-ils une place dans un centre ?”.

En guise de réponses, ces heureux grands-parents de 22 petits-enfants achètent une vaste propriété à Champsecret (61) et y créent un foyer de vie pour personnes handicapées mentales adultes. Rapidement, leur choix de vie interpelle. “Pourquoi avoir adopté des enfants handicapés”, leur demande-t-on. Alors, “pour répondre aux nombreux appels de familles souhaitant s’engager sur le même chemin,” indique Édith Labaisse, l’association se dote en 1997 d’un organisme d’adoption d’enfants français souffrant de handicaps. Treize ans après, au gré de rencontres inattendues, les adoptions se sont élargies à Djibouti en 1998 et à la République Démocratique du Congo en 2008.

Présente dans 75 départements français et employant 30 personnes, l’association “Vivre en famille” reçoit chaque année 700 demandes d’adoption. “Que de réponses négatives sommes nous contraints de donner”, regrette Édith Labaisse, “mais notre organisme n’est pas là pour répondre à une envie de couple. Notre rôle est de donner des parents à un enfant et non l’inverse”. Les critères de choix ne sont pas aisés. Les jeunes couples présentant un cadre de vie de qualité pour l’enfant sont privilégiés, peu importent leurs moyens financiers.

Prudence en Haïti

Une cinquantaine de jeunes Djiboutiens, la plupart âgés entre 18 mois et 2 ans, ont été adoptés l’an dernier. Neuf dans l’ex-Congo Belge depuis l’habilitation du ministère des Affaires étrangères en août 2008. A terme, Maurice Labaisse y espère une centaine d’adoptions. Dans ce pays gros comme quatre fois la France, rongé par les maladies, la faim et les décès en couches, le nombre d’orphelins est estimé à quatre millions et les procédures administratives y sont désespérément longues. “L’état civil n’existe quasiment pas là-bas”, explique Edith Labaisse. “Pour chaque enfant qui arrive à l’orphelinat, nous cherchons à savoir qui sont ses parents et d’où il vient”. Sans cela, une décision de justice est nécessaire pour que “l’enfant existe légalement” avant toute adoption.

C’est d’ailleurs un des problèmes qui se pose actuellement en Haïti. “On ne peut pas prendre tous les enfants dans la rue”, prévient Maurice Labaisse. “Aucune erreur n’est permise”, poursuit son épouse. “Imaginez que l’enfant soit seulement perdu ou égaré”. Face à de telles catastrophes, la convention de La Haye prévoit dans sa sagesse l’arrêt de toutes procédures d’adoption.

Antoine Pasquier