Bilan. Les démagogues et les lucides.

19 May 2011

Bilan. Les démagogues et les lucides.

À contre-courant

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Je ne peux pas dire que ce soit une lecture agréable. À la place des gens de l’Élysée, j’aurais trouvé quelqu’un pour l’écrire en français. Je l’ai lu quand même. Il s’agit d’une compilation des réformes depuis 2007. L’exercice m’a rappelé une tentative antérieure. C’était sous Giscard. François de Combret avait tenu la plume avec un résultat plus brillant. Eh bien, la liste est impressionnante.

Je sais qu’elle est un peu gonflée, que tout n’est pas terminé dans ce qu’on nous pré­sente comme achevé et réussi, mais il s’en sera passé, des choses, en quatre ans de présidence?! Savoir si cela suffira à le faire réélire, l’exemple de Giscard pousserait à dire non, quoiqu’il ait raté de peu un second mandat. Mais cela suffirait à justifier qu’il se représente. Je vais écrire quelque chose qui n’est pas tendance?: je ne crois pas que Sarkozy ait à rougir de son bilan.

Cela ne l’empêche pas d’être impopulaire. Son comportement, sa personnalité se sont certainement retournés contre lui, et là dessus on a tout dit. C’est ce que veut exploiter François Hollande avec ses effets de Corrèze et son « président normal ». Mais je me demande si même mère Teresa pourrait être populaire dans les circonstances actuelles. Lisez la presse étrangère, regardez les émissions politiques ou satiriques, allez assister à un débat parlementaire à Londres, à Rome ou à Berlin, vous verrez qu’aucun dirigeant européen n’est épargné, même ceux des pays qui vont mieux que les autres.

Même Angela Merkel avec ses excédents records et ses mœurs de pasteur. On dit aussi que cette impopularité est sans précédent en France. J’en doute. Elle me paraît plus spectaculaire par ses moyens d’expression qu’elle n’atteint un niveau inégalé sous la Ve République. En fait, je la trouve médiatique. Cela ne veut pas dire que les médias la fabriquent, qu’ils complotent contre Sar­kozy, même si la plupart d’entre eux ne cachent pas leur parti pris?; d’autres sont à son service avec autant d’outrance que ceux qui le dénigrent. Cela veut simplement dire que ces moyens se sont multipliés, qu’ils sont à la portée de tout le monde.

N’importe qui aujourd’hui peut dire du mal du président, du gouvernement, du temps qu’il fait ou de sa sœur, n’importe où, n’importe quand, sur n’importe quel ton. Et qui s’en prive?? Mais quand on y réfléchit et qu’on débranche le haut-parleur, ce président n’est pas plus haï que ses prédécesseurs, je pense à de Gaulle et à Giscard, l’un pour des raisons historiques, l’autre pour des raisons sociales?; pas plus discrédité que Mitterrand par les scandales, plus déconsidéré que Chirac par ses bévues. Il me semble qu’il y a autre chose. Ce qui excite, qui encourage, qui fait que la critique tourne à l’antisarkozysme, c’est la certitude, chez de nombreux commentateurs ou acteurs du jeu politique, qu’il a déjà perdu.

Que cette conviction contribue à son impopularité, c’est certain. La gauche espère et la droite lui en veut. Que cette impopularité soit fatale et l’empêche d’être réélu, je ne le pense pas. J’ai même l’intuition du contraire. La popularité, pour peu qu’on prête attention à ce que vous avez fait et qu’on écoute ce que vous voulez faire, ça peut devenir accessoire. Personne n’est obligé d’aimer le candidat qu’il va choisir. L’impo­pu­larité, ce n’est pas une intention de vote.

Voyons ce qui vient de se passer au Royaume-Uni. David Came­ron a remporté un référendum et des élections locales malgré la mise en place d’un plan d’austérité aux effets redoutables. Plus de 500?000 personnes ont défilé au printemps dans les rues de Londres, du jamais-vu depuis les grandes grèves des années 1920. Mais le premier ministre a gagné tout de même, parce qu’il a été pris au sérieux. Son plan est détesté, mais il est appliqué. Il est vrai qu’il vient à peine d’être nommé et que ses électeurs n’ont pas voulu se déjuger. Il n’est pas moins vrai qu’ils ont soutenu un gouvernement qui depuis un an leur impose une terrible cure de lucidité à un moment où, chez nous, les candidats déjà en cam­pagne, de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le Parti socialiste, rivalisent de démagogie et de vieilles lanternes. Si elle se confirme, la disqualification de Dominique Strauss-Kahn va simplifier les choix. Je crois à une clarification du débat, où le fond peut finir par l’emporter sur les formes.  Stéphane Denis