Orphelins d'Asie et adoption: attention aux "bons sentiments"

4 January 2005

Enfants d'Asie

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Date: 04 janvier 2005

Orphelins d'Asie et adoption: attention aux "bons sentiments"

PARIS (AFP) - Devant la détresse des orphelins victimes du séisme en Asie, des familles occidentales peuvent être tentées par l'adoption, mais gouvernement et spécialistes de l'enfance mettent en garde contre "les bons sentiments", invitant à "ne pas confondre adoption et humanitaire".

Interpellé sur TF1 par Soeur Emmanuelle, qui a suggéré la création d'une cellule pour faciliter l'adoption d'enfants orphelins, le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, s'est dit prêt à installer un tel dispositif.

"Pour autant que les pays concernés soient respectés dans leurs prérogatives, nous pouvons mettre en place un dispositif particulier dans le cadre de mon ministère qui est chargé de l'adoption internationale", a-t-il déclaré.

Le ministre est toutefois resté prudent. "S'il y a une demande supplémentaire, nous devrons y faire face. Mais gardons-nous de nous précipiter, l'adoption est un sujet sensible, respectons ces pays, attention à tous les trafics", a-t-il insisté sur Europe 1.

Une circonspection partagée par les spécialistes de l'enfance.

Pour Enfance et famille d'adoption (EFA), "il ne faut pas confondre adoption et humanitaire". "L'adoption c'est la construction d'une famille, c'est prendre un enfant pour le sien tant sur le plan affectif que pratique, ça se prépare", a expliqué à l'AFP Christiane Sébenne, membre du conseil d'administration de cette association.

Quelques familles, sous le coup de l'émotion provoquée par les terribles images d'enfants traumatisés et perdus après le tsunami du 26 décembre, ont pris contact avec EFA, notamment en Suisse.

Mais estime Mme Sébenne, "adopter un enfant parce qu'on est plein de bons sentiments, c'est mettre toutes les chances pour que ça ne marche pas".

La Défenseure des enfants, Claire Brisset, partage ce sentiment: "l'adoption ne doit pas relever seulement de l'impulsion, aussi généreuse soit-elle".

En outre, souligne-t-elle, il faut d'abord s'assurer que l'enfant est vraiment seul au monde. L'Unicef, le HCR, le CICR cherchent déjà à réunir les familles. Au Rwanda, se souvient Claire Brisset, 100.000 enfants perdus ont pu retrouver des proches. Selon l'Unicef, cela "a pris parfois deux ans".

Les organisations humanitaires (Unicef, Croix Rouge, Save the children...) estiment ainsi qu'aucun enfant ne doit être adopté à l'étranger "sauf s'il est clairement établi qu'il n'a ni parents, ni famille ni communauté disposée et capable de s'occuper de lui". Un délai d'au moins deux ans doit être respecté pour constater que la famille de l'enfant n'existe plus.

D'autant, insiste la Défenseure des enfants, qu'il faut "faire échec aux forbans, du côté des vendeurs, des acheteurs, des intermédiaires louches", alors que l'Unicef a estimé que le tsunami décuple les risques de trafic d'enfants et d'adoption dévoyée.

Enfin, pour Mme Brisset, "il ne faut pas ajouter au traumatisme épouvantable qu'ont subi ces enfants, celui du déracinement".

"La première urgence c'est secourir ces enfants, envoyer de l'argent, des vivres, des médicaments, reconstruire des lieux de vie pour qu'au contraire ces enfants puissent rester dans leur environnement", renchérit Mme Sébenne.

Aussi pour les familles désireuses de venir en aide aux enfants en détresse, Mme Brisset et Sébenne préconisent-elles plutôt le parrainage, qui permet de fournir, sur place, une aide matérielle à un enfant, une classe, voire une école entière.

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