L'INCROYABLE CHASSE AUX BEBES ROUMAINS
L'INCROYABLE CHASSE AUX BEBES ROUMAINS
AFP
Page 15
Mercredi 27 juillet 1994
L'incroyable chasse aux bébés roumains
Un premier procès pour adoption frauduleuse à Bucarest. On y plaidera que la sévérité de la loi est court-circuitée par la justice elle-même.
Le premier procès d'étrangers poursuivis pour adoption frauduleuse en Roumanie doit s'ouvrir dans quelques semaines à Bucarest, alors que les garde-fous mis aux adoptions internationales semblent de moins en moins respectés. Un couple britannique, Bernadette et Adrian Mooney, libéré sous caution mercredi dernier, avait été interpellé il y a deux semaines alors qu'il tentait de passer la frontière roumano-hongroise, un bébé endormi par du sirop dissimulé dans sa voiture. Le couple, qui avait versé 200.000 FB pour obtenir l'enfant, ainsi que leurs complices, les parents et trois intermédiaires, tous d'origine tzigane, risquent de 1 à 5 ans de prison.
Cette affaire sera la première du genre à être jugée en Roumanie, qui a vu des milliers d'Occidentaux se précipiter dans ses orphelinats après la révolution de 1989, avant que Bucarest n'y mette le holà en 1991.
La dernière affaire de trafic connue date d'un an lorsqu'une trentaine de bébés d'origine roumaine nés en Hongrie et à destination des Etats-Unis avaient été rapatriés sur ordre du gouvernement. Leurs mères d'origine tzigane étaient allées accoucher en Hongrie contre de l'argent. Ce trafic reste malgré tout limité et n'inquiète pas vraiment les spécialistes qui s'alarment en revanche des dérives des adoptions internationales.
Après le «boom» de ces adoptions (environ 10.000) dans les 18 mois qui ont suivi la Révolution de décembre 1989, une loi de juillet 1991 a rendu l'adoption par des étrangers plus difficile et donné la priorité aux familles roumaines. Ces adoptions internationales sont tombées à environ 500 l'année dernière sur un total de 3.200.
Pour permettre une surveillance, un Comité roumain pour les adoptions (CRA) a été créé. Les enfants adoptables par des étrangers, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas été adoptés dans les six mois par des Roumains, doivent figurer sur une liste du CRA. Cet organisme donne également son feu vert à l'adoption de l'enfant avant que le juge roumain ne délivre un décret d'adoption.
Ces règles ont été respectées dans les premiers mois qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi, mais il semble que ce comité soit aujourd'hui de plus en plus court-circuité par la justice.
- Les juges et les avocats ont profité des imprécisions de la loi. Des juges ont commencé à délivrer des autorisations d'adoption sans confirmation du CRA et ont fait jurisprudence. Ces adoptions sont légales et nous ne pouvons donc pas refuser de délivrer un visa pour l'enfant, explique-t-on de source diplomatique occidentale.
Des avocats, payés jusqu'à 250.000 FB, ne tiennent même plus compte de la liste du CRA et établissent directement le contact entre la famille roumaine, qui consent moyennant finances à abandonner son enfant, et le couple étranger, avant de passer devant le juge.
- Avant le loi de 1991, l'adoption était un business et elle a commencé à le redevenir, commente la même source.
Le risque de dérapages est d'autant plus grand que l'intérêt des étrangers pour les enfants roumains ne se dément pas. Les Américains ont délivré 102 visas depuis le début de l'année, contre 82 au total en 1993, les Italiens 250 contre 190 pour les mêmes périodes. (D'après AFP.)
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