Bernard Kouchner et une "odieuse affaire" roumaine

Bernard Kouchner et une "odieuse affaire" roumaine

Lundi 9 décembre, il s'est présenté devant le tribunal local pour témoigner en faveur d'un ancien collaborateur accusé de pédophilie.

Le Monde

Publié le 10 décembre 2002 à 11h53 Mis à jour le 10 décembre 2002 à 11h53

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Bucarest de notre correspondant

Arrivé en plein hiver à Iasi, ville du nord-est de la Roumanie, Bernard Kouchner doit affronter non seulement une température extérieure de – 10 oC, mais aussi celle, beaucoup plus élevée, d'un procès qu'il a qualifié d'"odieuse affaire".

Lundi 9 décembre, il s'est présenté devant le tribunal local pour témoigner en faveur d'un ancien collaborateur accusé de pédophilie. Michel Sounalet, 67 ans, président d'une association d'aide à l'orphelinat de Popricani, près de Iasi, est en garde à vue dans cette ville depuis le 19 octobre pour "perversions sexuelles et corruption de mineurs". Il risque jusqu'à 15 ans de prison, selon son comité de soutien, qui, outre Bernard Kouchner, comprend le fondateur de l'association Pharmaciens sans frontières, Jean-Louis Machuron, l'ex-président de l'Assemblée nationale Raymond Forni, le cinéaste Daniel Karlin et plusieurs autres personnalités françaises.

"Quand on m'a dit que Michel Sounalet était soupçonné, j'ai été terriblement choqué. Je suis persuadé de son innocence et je pense que la justice roumaine le reconnaîtra bien vite", a déclaré M. Kouchner à la sortie de l'audience. La moitié des trente témoins roumains a été entendue lundi, tandis que l'autre moitié sera auditionnée mercredi 11 décembre.

L'arrestation de Michel Sounalet a eu lieu suite au témoignage de cinq enfants, qui affirment avoir entretenu des rapports sexuels avec lui depuis 1997. Son procès a débuté le 25 novembre à huis clos à Iasi, avant d'être suspendu jusqu'au lundi 9 décembre. Il subirait, selon ses proches, "la vengeance d'un ancien pensionnaire", Aurel Zaharia, devenu employé de cet orphelinat et à qui Michel Sounalet reprochait son attitude violente envers les enfants. Entre-temps, après avoir déposé à la police une cassette contenant plusieurs témoignages, Zaharia aurait réussi à se rendre illégalement en Grande-Bretagne sans laisser de traces.

Selon l'avocat de Michel Sounalet, Bogdan Luca, deux des cinq enfants qui ont témoigné contre son client se sont rétractés. Un autre s'était rétracté lors de la première audience. Une expertise médicale a fait état des déficiences mentales des plaignants. Une autre a établi l'impotence de Michel Sounalet, mais les analyses ne permettent pas d'affirmer qu'il l'était aussi en 1997.

COMITÉ DE SOUTIEN

L'affaire a suscité de très vives réactions en Roumanie où, depuis la chute de la dictature communiste, il y a treize ans, une dizaine de pédophiles ont été condamnés. Le déploiement de forces du comité de soutien français a irrité les Roumains, qui considèrent que leur pays est devenu "un paradis pour les pédophiles étrangers". Le premier ministre, Adrian Nastase, s'est prononcé en faveur d'un durcissement des peines et a regretté que "l'on ne puisse réintroduire la peine de mort" contre les pédophiles.

Le passé de Michel Sounalet joue contre lui. Il avait été condamné en France, en 1965, à la prison à vie pour braquages. Libéré en 1992, il s'est engagé dans l'humanitaire et s'est occupé d'enfants au Rwanda, au Kosovo et en Roumanie. "Jamais, au grand jamais, nous n'avons soupçonné Michel, a précisé Bernard Kouchner. Au contraire, nous lui avons confié des centaines et des milliers d'enfants. Je ne le regrette pas, je les lui reconfierai demain, dès qu'il sortira de prison."

Mirel Bran

Le Monde

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