Déclaration de Mme Rama Yade
Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur la réforme de l'adoption, notamment la création d'un réseau des volontaires de l'adoption internationale, à Paris le 28 juillet 2008.
Mesdames et Messieurs,
Cher Jean-Marie Colombani,
Cher Gérard Depardieu,
Cher Monsieur Zannier,
Chers tous,
"Nous devons imaginer les initiatives ...".
C'est un appel à l'action et par ces mots que le président de la République a voulu, ainsi que le Premier ministre dans la lettre de mission qu'ils vous ont adressée, cher Jean-Marie Colombani en octobre dernier, impulser la réforme de l'adoption en France.
Il y avait bien urgence en effet: alors qu'elle représente 80 % des adoptions en France, l'adoption internationale régresse depuis 2005.
La stagnation des adoptions nationales aggrave la détresse et la frustration de nos compatriotes qui veulent adopter, c'est bien évident. Le Président l'a compris tout de suite : nous ne pouvions pas rester inertes. L'échec, en politique, c'est toujours le manque d'imagination.
Je voudrais donc aujourd'hui vous annoncer le lancement de l'initiative de "réseau des volontaires de l'adoption internationale".
C'est une initiative de terrain parce que c'est bien aussi sur le terrain, dans ces pays, que nous sommes défaillants.
Ces volontaires seront une sorte de "peace corps" où des jeunes que nous allons former vont mettre leur générosité et leur talent au service d'une belle cause : les enfants privés de famille, abandonnés ou orphelins.
C'est aussi une initiative partagée, et c'est à vous cher Gérard Depardieu que nous devons d'avoir réussi à associer d'emblée des partenaires autour de ce projet. Vous savez combien je suis heureuse de votre engagement au service de tous ces enfants, de toutes les familles. Vous êtes un bel exemple de générosité et de solidarité. Vous y avez mis tout votre coeur et toute votre humanité, et pour cela je vous remercie.
Dans ce projet, l'Etat effectivement ne pouvait pas agir seul. Dans le monde d'aujourd'hui, on doit pouvoir agir en partenariat avec les associations et les entreprises. Et en se fixant le plus haut niveau d'exigence éthique. Je tiens à saluer et à remercier ceux qui ont accepté de s'engager à nos côtés. Ils sont présents parmi nous pour éventuellement répondre à vos questions.
Je pense tout d'abord à M. Jacques Godfrain, président de l'Association française des Volontaires du Progrès sans la compétence et l'expertise de laquelle le projet n'aurait pas pu voir le jour.
M. Roger Zannier, qui est là aussi, président d'honneur de la Fondation Zannier-Holybaby, qui a accepté de cofinancer le premier programme que nous allons ouvrir dès le mois prochain, au Cambodge.
Mmes Janice Peyré et Hélène Mahéo, respectivement présidentes de la Fédération Enfance et Familles d'Adoption et du Mouvement pour l'Adoption Sans Frontières, qui ont accepté d'associer leurs mouvements au comité d'experts du réseau pour assurer la formation des volontaires et exercer auprès d'eux un tutorat permanent tout au long de leurs missions, garantissant ainsi le respect de l'éthique qui s'impose surtout lorsqu'on agit auprès des enfants.
Les parlementaires aussi, qui sont souvent sollicités par les familles, qui ont bien voulu contribuer à notre réflexion en travaillant avec nous, avec coeur et avec conviction également et en particulier Mme Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes, présidente du Conseil supérieur de l'Adoption et coprésidente du Groupe d'Etudes à l'Assemblée nationale sur la famille et l'adoption. Elle a eu la gentillesse de nous rejoindre également aujourd'hui. Je pense aussi à Mme Patricia Adam, députée du Finistère, également co-présidente du Groupe d'Etudes.
Et vous bien sûr, cher Jean-Marie Colombani, qui avez spontanément proposé de présider la conférence des contributeurs que nous réunirons pour compléter les financements de l'Etat par les financements des collectivités territoriales, si elles le souhaitent, et des entreprises qui accepteront de nous rejoindre dans cette belle aventure.
La mission de ces volontaires, c'est quoi ? Elle est claire : il faut aider à sortir les enfants des institutions avec le partenariat des Etats d'origine bien évidemment. Car le secours et l'appui d'une institution, aussi parfaite soit-elle, ne vaut jamais l'affection d'une famille. C'est l'enfant, la famille, que je veux placer au coeur de ce projet. Avec l'éthique pour moteur, c'est important.
L'efficacité comme mode d'action. Le bonheur des enfants et des familles pour objectif.
Il faut donc viser deux choses : accélérer la sortie des enfants de ces institutions, pour en accueillir d'autres, abandonnés ou orphelins ; et les aider à construire un projet de vie familiale le plus viable et le plus rapidement possible.
Les volontaires devront en priorité chercher toutes les possibilités existantes dans le pays de mission.
Lorsque celles-ci sont insuffisantes, et nous savons que ce sera encore souvent le cas, ils devront soutenir des projets d'adoption internationale.
Les besoins sont immenses. Je crois qu'il faut arrêter de dire que le nombre d'enfants sans famille baisse. C'est faux. Nous devons accroître nos efforts pour trouver des solutions concrètes, adoption locale et internationale sont complémentaires. Ce qui compte partout et tout le temps, c'est l'intérêt de l'enfant. Voilà le message que je veux porter auprès des pays où nous agissons, en concertation avec Nadine Morano qui fait un travail sur le sujet de l'adoption également remarquable, voilà le message que devront concrétiser les volontaires sur le terrain et c'est une belle ambition.
Ce réseau, nous allons réfléchir avec Bernard Kouchner, mon ministre de tutelle, à le rapprocher du réseau des attachés humanitaires en ambassades. De vraies synergies de terrain peuvent se construire.
C'est une idée à laquelle tient beaucoup Bernard Kouchner, et que je veillerai à respecter.
Je vous annonce le lancement du premier programme de ce réseau, au Cambodge dès le mois prochain.
Il y a une grande tradition de solidarité avec les enfants entre la France et le Cambodge. Je l'ai constatée avec Michèle Tabarot lorsque nous nous sommes rendues au Cambodge. Je crois aussi que Gérard Depardieu y a également été.
Mais ce pays, le Cambodge, a souffert des dérives de quelques-uns engagés souvent par désespoir dans des démarches irrégulières d'adoption. Bien qu'il s'agisse de comportements très isolés et minoritaires, où la détresse a sa part, tout le monde en paye le prix : les enfants, les familles, tous ceux qui travaillent avec coeur et générosité en faveur de l'enfance sur place.
Alors il faut être intraitable avec les dérives. On ne joue pas avec les enfants. Il y a de grandes conventions internationales, notamment celle de La Haye et il faut les respecter. Les textes ne valent que lorsqu'ils sont appliqués. Le temps est venu de montrer aux cambodgiens que les familles de France ne viennent pas au marché à enfants chez eux mais bien au contraire, travaillent avec eux pour le bien des enfants. C'est ce message et ce comportement exemplaire qu'au nom du gouvernement et en concertation avec Nadine Morano, je souhaite porter, et que je porterai chaque fois que je visiterai le pays avec lequel la France a, ou entame des discussions sur les pratiques d'adoption à l'international.
C'est pourquoi aussi, aux côtés de l'envoi d'un premier volontaire au Cambodge dès le mois prochain, j'ai également décidé d'engager 400 000 euros pour soutenir financièrement l'action de l'UNICEF au Cambodge. L'UNICEF au Cambodge pilote la mise en place des procédures de La Haye auprès du gouvernement cambodgien.
En 2008 encore nous lancerons quatre autres programmes qui seront par la suite élargis à 20 pays en 2009.
Ce réseau qui sera expérimental sera un outil supplémentaire au service de la stratégie pour l'adoption internationale recommandée par le rapport de Jean-Marie Colombani.
Cher Jean-Marie, vous avez effectivement accompli un travail remarquable, qui maintenant nous en donne beaucoup ! Et c'est tant mieux ! Car comme vous le savez le ministère des Affaires étrangères et européennes partage sans réserve vos conclusions sur l'adoption internationale et s'applique à les construire depuis la remise de votre rapport en mars dernier.
Je serais heureuse également de vous présenter l'ambassadeur Jean-Paul Monchau, qui a été nommé le 25 juin dernier en Conseil des ministres "ambassadeur pour l'adoption internationale" avec pour mission, comme vous l'avez proposé, Monsieur Colombani, d'élaborer une stratégie concertée pour l'adoption internationale en 2009.
A la rentrée prochaine, le 21 août, il est prévu qu'il y ait une communication commune avec Nadine Morano. Nous présenterons cette communication ensemble au Conseil des ministres et cela fera le point sur les conclusions du rapport Colombani.
Je vous confirme également que ce ministère va se réformer dans le sens que vous avez proposé pour assumer pleinement sa responsabilité de pilote de l'action de la France en matière d'adoption internationale.
Nous essaierons de nous en donner les moyens, en particulier avec Alain Joyandet, nous avons décidé de faire de la protection de l'enfance délaissée un axe important de notre politique de coopération internationale et d'aide au développement. J'ai demandé à l'ambassadeur Monchau de réfléchir à la formation à l'adoption internationale de nos agents à l'étranger. Des propositions seront faites pour améliorer le fonctionnement et les capacités de nos opérateurs, qu'il s'agisse de l'Agence française de l'Adoption ou des OAA, c'est-à-dire les organismes privés qui s'occupent de l'adoption.
Enfin, comme l'a annoncé ma collègue de la Famille, ces actions s'inscriront bien dans une réforme plus large de l'adoption dans ses deux composantes, nationale comme internationale, pilotée par un Comité interministériel de l'Adoption décidé par le président de la République et présidé par le Premier ministre.
Mesdames et Messieurs, j'ai beaucoup parlé mais il y avait tant à dire ! J'ai pris le problème de l'adoption internationale à bras le corps dès mon arrivée en essayant de comprendre pourquoi c'était un chemin de croix que d'adopter en France. On a débloqué beaucoup de dossiers individuels avec la collaboration des services du Quai d'Orsay qui se sont révélés exceptionnels dans ce travail de défrichage et de découverte de nouvelles solutions. Vous êtes plus d'un ici à nous avoir aidé à trouver des solutions.
Alors aujourd'hui, nous allons donner à ce ministère les moyens d'une grande politique de l'adoption qui concilie à la fois générosité, efficacité, lucidité et éthique et qui place l'enfant au coeur de nos préoccupations et qui ne berce pas d'illusions les familles. C'est une diplomatie d'action, au service des gens, confrontée au réel.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2008