Les hommes de la rue du Bac : la piste
d’un trafic d’enfants
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Des documents officiels issus des archives de la Charente-Maritime, que
révèle «Libération», attestent de graves manquements au sein d’un
organisme d’adoption français. Comme Inès Chatin, qui a dénoncé les
crimes sexuels d’une bande d’intellectuels parisiens, des enfants ont pu
être adoptés par des familles abusives. Ses avocats réclament une
commission indépendante.
Lettre d'alerte du directeur départemental de la santé envoyée au préfet de
Charente-Maritime, en juillet 1964. (Cyril Zannettacci/VU' pour Libération)
par Willy Le Devin
publié le 23 janvier 2025 à 7h31
Ce sont des documents qui éclairent d’un jour inquiétant les conditions d’adoption en
vigueur dans les années 60-70. Instantanés de la France d’après-guerre, et d’une
époque où la loi Veil légalisant l’interruption volontaire de grossesse n’était pas
encore promulguée, ils suggèrent l’existence d’un trafic d’enfants, qui a pu prospérer
au sein de l’un des plus grands organismes d’adoption habilités à l’époque, la
Famille adoptive française (FAF).
Consultés par Libération, ces documents officiels, rédigés par des préfets ou des
directeurs départementaux de la Santé, proviennent des archives départementales
de la Charente-Maritime, et accréditent, en outre, les craintes d’Inès Chatin, la
femme qui a dénoncé cet été dans notre journal les crimes sexuels que lui ont
infligés plusieurs figures intellectuelles françaises, parmi lesquelles l’écrivain Gabriel
Matzneff. Car avant de subir une multiplicité de violences abjectes de 4 à 13 ans, de
la part d’hommes proches de son père adoptif, le médecin Jean-François Lemaire,
celle-ci a été adoptée dans des conditions irrégulières en 1974. En effet, son dossier
comporte de nombreuses anomalies administratives, en plus d’examens médicaux
absents et d’actes formellement illégaux.